Le Pritzker : on en parle (1)

Le 23 mars 2015, un nouveau lauréat du fameux prix Prizker sera annoncé par voie de presse. Reconnu comme étant le « Nobel de l’architecture », cette haute et très recherchée distinction est décernée annuellement depuis 1979 à l’architecte vivant ayant marqué de son œuvre construite l’histoire contemporaine. Le quarantième primé inscrira donc son nom à la dernière  ligne d’un palmarès qui a récompensé les plus grandes figures de la scène architecturale mondiale.

Créé par la famille Pritzker, originaire de Chicago, acteurs de l’immobilier et mécènes prestigieux, ce prix est une manière « d’encourager et de stimuler, non seulement un très large public sensible à l’environnement bâti, mais aussi d’inspirer la création au sein de la profession »1. En parcourant la liste des architectes honorés, force est de constater que la plupart des acteurs majeurs de la fin du vingtième siècle, et du début du suivant, y sont représentés et que, parmi ceux qui ont disparu depuis, il n’y a que très peu d’oubliés. Ce prix serait-il donc l’unique baromètre capable de reconnaître la valeur actuelle de l’architecture, ce premier des arts, selon la définition du philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel?

Un prix impartial?

Comme toute distinction mondiale, et on en peut s’empêcher de faire une comparaison avec le septième art, elle possède son lot de sélections étonnantes, ou dues à un effet de mode, phénomène inhérent à ce type d’événement, comme la nomination d’un Hans Hollein en 1985 ou d’un Christian de Portzamparc en 1994. On se souviendra également que le premier prix, attribué en 1979 à Philip Johnson, a plus été décerné à une légende vivante de l’architecture moderne, par ses liens par exemple avec Ludwig Mies van der Rohe, qu’à une œuvre construite ou théorique exceptionnelle. Les prix suivants, jusque dans les années nonante, ont cherché à mettre en exergue ceux qui avaient indéniablement contribué à l’histoire de l’architecture du siècle passé : Kenzo Tange, Gordon Bunschaft, Oscar Niemeyer, Aldo Rossi ou Robert Venturi en furent les récipiendaires vénérables et indiscutables.

En parallèle, et c’est son objectif premier, l’élection s’est toujours portée sur des architectes en pleine activité dont l’œuvre construite est jugée digne d’une reconnaissance mondiale. Le manque de recul temporel entre la sélection et la production en cours, rend à l’évidence ce choix très difficile. Cependant, et a contrario des prix distribués à travers le monde sur la base d’un seul ouvrage réalisé, le Pritzker s’appuie sur la profondeur d’une œuvre construite pour éviter le piège de l’air du temps, ce qui ne l’empêche pas de verser dans une inéluctable forme de starisation.

Le vingt-et-unième siècle a pourtant commencé à mettre l’accent sur des productions plus atypiques ou, pour reprendre le terme du critique anglais Kenneth Frampton, plus attachées à une forme de régionalisme critique. Loin des pages de papier glacé en quadrichromie qui ornent les revues prestigieuses, les réalisations d’un Sverre Fehn (1997), d’un Glenn Murcutt (2002) ou d’un Wang Shu (2012) sont la démonstration qu’une pensée architecturale basée sur une culture locale richement enracinée peut tenir la dragée haute aux étoiles de la création internationalisante.

Statistiques

Sur les trente neuf récompenses décernées, dix-neuf reviennent au continent européen, onze à l’américain, huit à l’asiatique et un seul à l’océanique, le continent africain étant, comme c’est encore malheureusement le cas dans beaucoup d’autre domaine, le grand absent de cette distinction.

Avec huit prix décernés à ses concitoyens – ou exerçant sur son sol –, les Etats-Unis sont le pays le plus honoré, devant le Japon (sept prix), le Royaume-Uni (quatre prix) et la Suisse (trois prix). L’arithmétique basique démontre même aux férus de statistiques que le plus grand nombre de Pritzker par habitant revient à notre pays.

Parmi les lauréats on retiendra encore que le plus âgé à recevoir le Pritzker fut le danois Jørn Utzon, en 2003, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans et le plus jeune, le japonais Ryue Nishizawa, en 2010, à l’âge de quarante-quatre ans. Enfin les chiffres révèlent que les trois quarts des primés sont toujours en activité.

Mais, au delà de tout ce qui précède, la question que le monde de l’architecture, le grand public, et bien évidemment le futur lauréat se posent est de savoir qui sera le prochain sur cette prestigieuse liste. 

On en reparle. 

+ d’infos

1) Thomas J. Pritzker sur le site officiel du prix : http://www.pritzkerprize.com

PS: ce blog a été publié la première fois sur la plateforme de l’hebdo.ch

Publié par

Philippe Meier

Né à Genève, Philippe Meier est architecte, ancien architecte naval, enseignant, rédacteur et critique. Depuis plus de trente ans, il exerce sa profession à Genève comme indépendant, principalement au sein de l’agence meier + associés architectes. Actuellement professeur de théorie d’architecture à l’Hepia-Genève, il a également enseigné durant de nombreuses années à l’EPFL ainsi que dans plusieurs universités françaises. Ses travaux et ses écrits sont exposés ou publiés en Europe et en Asie.

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